Etudes et Recherches

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Le cycle du chemin de croix des peintures murales de l’église Notre-Dame de l’Assomption de Revigny, œuvres du XVe siècle.  

Jean-François Ryon, ancien CAOA, conseiller histoire et patrimoine de la Faspa-Jura


Comment comprendre un cycle de peinture dans une chapelle ?

Couverture du livre sur l'église de RevignyL’édifice n’est pas paroissial avant le XVIIe siècle et c’est donc une chapelle qui est construite au XVe siècle.

Créer un vaste édifice comme la chapelle Notre-Dame de l’Assomption de Revigny avec un simple desservant au XVe siècle, puis la présence d’une familiarité (association de prêtres régie par un règlement codifié) attestée au XVIe siècle, démontrent la construction d’un édifice d’importance. Le soutien par l’autorité seigneuriale la famille de Montaigu, ou par l’autorité religieuse l’église mère de Saint Maur, et à travers cette dernière l’abbaye de Baume-les-Messieurs propriétaire de l’ensemble, constituent des hypothèses. Tous ont pu apporter respectivement leurs concours sans que nous puissions trancher laquelle a été prépondérante. Son emplacement loin du château médiéval est un argument en faveur de la riche abbaye.

 

Cet édifice est composé d’une architecture simple : une voûte en plein cintre légèrement brisée que nous pouvons caractériser de persistance romane, séparée par un arc central qui distingue le chœur de la nef. Construite en pierre de calcaire dans la partie basse et de moellons de tuf dans la partie supérieure, ce procédé permet d’alléger le poids des murs, tout en apportant une certaine fragilité. Plusieurs fissures sont présentes et nécessitent des solutions pour ces problèmes de structure avant d’aller plus loin dans la restauration des peintures. Ces dernières années, les pierres gélives du toit laissent entrer l’eau, c’est pourquoi une protection a été posée au-dessus du chœur. En dehors de ces conditions de l’architecture, les peintures murales ont subies des altérations dues au martelage de sa surface lors de la pose du plâtre, qui a pu les protéger car sans oxygène l’évolution est stoppée, à moins de présence d’humidité.

La première intervention (faite par le CRRCOA de Vesoul) a déterminé comment les peintures ont été réalisées, sur un enduit sec, à la différence des fresques sur un enduit frais « a fresco » et quels composants furent utilisés. La seconde a consisté à dégager les peintures du plâtre et dans le même temps à consolider les boursouflures et soulèvements de la couche picturale désormais en contact direct avec l’air. La troisième intervention consistera à continuer la consolidation, au nettoyage et à la réintégration de zones dont l’absence contrarie la lecture des peintures, le tout réversible ; toute personne peut distinguer les zones repeintes par un aspect distinct de la couche originale.   Toutes ces conditions augmentent considérablement les frais….

Les peintures murales médiévales ont beaucoup de charme :

- c’est un mode d’expression très pédagogique, le sens est plus important que la qualité esthétique qui peut être présente mais ce n’est pas l’essentiel, l’accent est sur le message, les 14 stations de la Passion du Christ

- une vue directe sur le XVe siècle, les armures des soldats et certains détails vestimentaires sont directement issues de la représentation de ce siècle

- un décor riche pour une recherche de l’émotion pour tout spectateur par des détails du quotidien, des créneaux stylisés, de la nature (Jésus au Mont des Oliviers), ou encore de la vie courante.

 

Ces XIV stations de la Passion de Jésus Christ, ont été peintes dans un style dit bâlois du milieu du XVe siècle proche de Pierre Maggemberg.

Le peintre Pierre Maggemberg (1380-1463) est originaire de Fribourg (Confédération helvétique) dont le style est proche de ces peintures, sans pouvoir assurer une authentification plus précise, sinon son appartenance au XVe siècle, datation proposée dès les premiers dégagements et confirmée par le Professeur Frédéric Elsig de l’Université de Genève. 

Face à l’image de la France éternelle, il est toujours délicat de préciser qu’à cette époque, nous n’étions pas dans le royaume de France mais une partie intégrante et ancienne du Saint Empire Romain Germanique même si nous utilisons le français depuis le XIVe siècle, comme beaucoup d’autres régions non françaises. Une des conséquences essentielles établit des échanges artistiques plus diffus dans toutes les directions : tout le grand arc alpin est ponctué par une éclosion de peintures murales à la fin du Moyen Age.  La Franche-Comté possession des Ducs-Comtes de Bourgogne était en paix jusqu’en 1477, date de la première tentative de conquête par Louis XI, guerre et occupation qui dureront seize ans. Ce qui peut rendre possible une réalisation entre 1450 et 1477.

 

Le cyle principal est constitué par les quatorze stations traditionnelles disposées de chaque côté du choeur en deux séries surmontées d’une frise de créneaux de différentes maisons (évocation possible de la Jérusalem céleste) qui réunit les différentes scènes du décor, ryhtmées entre elles par des colonnettes. L’ensemble se déroule depuis l’officiant, du côté droit du choeur contre le mur pignon vers la nef, pour repartir de l’autre côté de l’arc du choeur et rejoindre l’angle oriental gauche. Dans le corpus des chemins de croix de cette époque celui de Revigny est l’ensemble le mieux conservé, en totalité.

Les épisodes représentent :

Côté droit depuis le mur du fond - La cène- Judas - Le Lavement des pieds - Au Jardin des oliviers - Le Baiser de Judas - Jésus devant Caîphe - Jésus et Pilate -

Côté gauche - Jésus devant Hérode - Le Jugement de la populace - Pilate se lave les mains - La Crucifixion - Jésus est mis au tombeau - La Pendaison de Judas - La Résurrection -

Sur le mur pignon sont présents plusieurs personnages : à droite ou à sénestre (par rapport à la peinture) un seul saint diacre avec sa dalmatique qui tient un livre, saint Etienne ?  Aux vus de l’importance de la chapelle de Saint-Etienne de Coldres dans la vallée de la Vallière, propriété de Baume-les-Messieurs, saint Etienne peut justifier notre proposition à titre d’hypothèse, sans évacuer totalement la possibilité de saint Vincent, saint patron des vignerons dans notre région avant l’arrivée des reliques de saint Vernier au XVIe siècle.

Sur l’autre pans de mur, trois saints sont peints : saint Côme et saint Damien sont facilement reconnaissables grâce à leurs attributs, une fiole, ustensile des médecins de l’époque. Ces saints sont souvent associés à la présence des sources protectrices issues des résurgences qui comportent alors des eaux de qualités. Le troisième personnage est un saint homme au riche manteau. Jean Chevalot propose le saint pape Félix IV qui a canonisé les deux saints précédents, la restauration permettra de confirmer cette suggestion.

 

Des décors peints se poursuivent dans la nef, les sondages ne permettent pas de déterminer si ce sont des scènes animées ou des décors géométriques. A la commune seule revient la charge, la responsabilité et le financement destinés à poursuivre tous les travaux, notamment la restauration du bâtiment, la mise hors d’eau, la restauration des peintures visibles et le dégagement des décors peints des murs de la nef. Il appartient à chacun d’entre nous d’observer la force du message ainsi que ses qualités esthétiques et historiques.

 

Photos

Eglise de l'Assomption de Revigny - Jean-François Ryon (c)

Crucifixion, station du mur nord XVème siècle - Michel Marchand (c)

Saints Côme et Damien, mur du choeur, XVème sièlcle - Michel Marchand (c)